Wanda

Prix Lumière : Wim Wenders / Carte blanche à Wim Wenders

Événements et célébrations : Variations sur Wanda

Mariée à un mineur, mère de deux enfants, Wanda (Barbara Loden) vit coincée entre la grisaille de sa vie familiale et la tristesse des terrils pennsylvaniens. Elle décide de tourner la page, quitte sa famille et se lie à un petit gangster, Norman Dennis (Michael Higgins). Pour la première fois de sa vie, elle croise l’ambition.

Barbara Loden découvre un jour dans un journal l’histoire d’Alma Malone, complice d’un braqueur de banque, condamnée à vingt ans de prison et qui remercia le juge pour sa peine ; le sheriff dira d’elle : « C’était un personnage. Elle écrivait des poèmes. Elle écrivait des poèmes sur tout – même sur un chien. » Fascinée par la vie de cette femme, Loden propose à son mari Elia Kazan d’en faire un film, ce dernier refuse et l’encourage à le réaliser elle-même ; une conversation qu’elle résumera cinq ans plus tard à Michel Ciment : « Il m’a jetée à l’eau et j’ai nagé. » (Barbara Loden, Positif n°168, avril 1975)

Loden construit un récit semi-autobiographique, qui prend racine dans sa propre vie et dans ce fait divers. Issue d’une famille très pauvre qu’elle a fuie à 17 ans pour travailler dans les bars et les night-clubs de New York, la réalisatrice a croisé de nombreuses femmes de la trempe d’Alma et de son héroïne, qu’elle baptisera Wanda, forme dérivée du prénom Wandrill, du germanique wandern, signifiant "errer".

Tourné avec un petit budget et une caméra 16mm, ce portrait de femme à l’image granuleuse est incarné par la réalisatrice, déjà interprète de deux films de son mari. Wanda évolue dans le paysage industriel américain et ses terrils noir d’encre, vêtue d’une robe d’un blanc immaculé, une couronne de fleurs sur la tête. Femme sans argent ni travail, qui se défait de l’emprise d’un homme pour celle d’un autre – avec qui elle formera un duo de Bonnie et Clyde de seconde zone – Wanda est lessivée par le monde qui l’entoure.

« Wanda est bien cela, un cri de désespoir muet, un autoportrait d'autant plus violent qu'il est retenu, un portrait de femme angoissé et sans concession, une description accablée des exclus du capitalisme. Chef-d'œuvre sec et intemporel, Wanda n'a pas pris une ride. » (Jean-Baptiste Morain, Les Inrockuptibles, 16 juillet 2003)

Barbara Loden meurt d’un cancer à 48 ans, dix ans après la sortie de Wanda, qui demeurera son unique film. En 2003, c’est l’actrice Isabelle Huppert qui acquiert les droits du film et finance sa nouvelle sortie dans les salles françaises.