Une femme dans le vent

Ozu rares et inédits

Tokiko (Kinuyo Tanaka) vit seule avec son jeune fils Hiroshi, en attendant que son mari Shuichi (Shuji Sano) soit démobilisé. Elle tente de survivre en vendant ses vêtements, sans succès. Hiroshi tombe gravement malade, et Tokiko n’a pas d’autre choix que de se prostituer un soir pour pouvoir payer son traitement. De retour au foyer, Shuichi comprend ce que son épouse a dû faire en son absence, et n’arrive pas à lui pardonner.

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« Parmi mes films, il y a certainement plus d’un échec. Pourtant ces films me plaisent d’une certaine façon. Mais ce film n’était pas un bon échec. » (Yasujiro Ozu, Positif n°203, février 1978)

Une femme dans le vent (aussi connu en France sous le titre Une poule dans le vent) se différencie par bien des aspects des autres œuvres d’Ozu. C’est un film infiniment triste, totalement irrigué par un sentiment de défaite à fleur de peau. Si la cellule familiale est de nouveau interrogée, elle est ici éclatée, puis ressoudée dans une certaine rancœur.

Le film porte également un des rares moments de violence du cinéma d’Ozu. N’en pouvant plus de lui mentir, Tokiko révèle la vérité à son mari. Celui-ci l’interroge violemment ; elle ne lui répond qu’avec ses larmes. De rage, il la jette dans l’escalier. Ozu visionnera cette scène à de très nombreuses reprises avant d’achever son film.

Imprégné des films occidentaux – dont Citizen Kane qui l’a profondément marqué –, Ozu modifie sa façon de filmer. Dans un souci d’épuration stylistique, il concède quelques « distorsions de la réalité » (Donald Richie), à l’instar des draps blancs, frais et propres du bordel, détail que la critique soulignera comme invraisemblable. Dans une nouvelle approche de la réalité, le cinéaste souhaite filmer la beauté pour ce qu’elle est. Pensant avoir trop explicité son propos, il gardera d’Une femme dans le vent une impression mitigée.

« Une fois la passion retombée, les époux se réconcilient. Il la prend dans ses bras en lui glissant, comme s'il se parlait à lui-même : “Oublions cela... Je t'aime de tout mon cœur...” Mais l'amertume demeure, comme l'impression d'avoir mâché du sable, comme ce vide que l'on ressent quand on dit ce que l'on ne devrait jamais dire. Cette image dit tout de la tristesse d'exprimer un sens trop limpide. Il en va de même pour Ozu : plutôt que du plaisir à raconter quelque chose avec des images, il ressentait la tristesse de les avoir fait parler directement. Il craignait d'avoir volé la liberté de regard des spectateurs et d'avoir troublé l'ordre du monde en faisant des images chargées d'un sens explicite. Car, tout en aimant profondément le cinéma, Ozu doutait infiniment de lui. » (Kijû Yoshida, Ozu ou l’anti-cinéma, Institut Lumière / Actes Sud, 2004)