Millie (Shelley Duvall) est employée dans une clinique californienne pour seniors. Elle prend sous son aile sa collègue, la toute jeune Pinky (Sissy Spacek) arrivée du Texas, et lui propose de partager l’appartement qu’elle loue à Willie (Janice Rule). Cette dernière vit à Dodge City, un parc d’attractions désaffecté en plein désert, avec son mari Edgar (Robert Fortier), une ancienne doublure de cinéma.
Robert Altman n’aura cessé de le dire, une fois son film réalisé : Trois femmes est né d’un rêve. « Ce rêve était parfaitement cohérent. J’y jouais moi-même un rôle, je tournais un film intitulé 3 Women avec Shelley Duvall et Sissy Spacek. Il n’y avait qu’elles deux. Sissy s’emparait de la personnalité de Shelley. Découvrant que cette fille devenait une autre elle-même, Shelley commençait à se demander : “Mais qui suis-je ?” » (Robert Altman, Positif n°197, septembre 1977) Interrogé sur le potentiel virage psychologique pris, délaissant son entreprise de démystification des valeurs américaines, il répondait simplement que Trois femmes parlait bien « de nos coutumes et de notre culture ».
À travers des petits détails, le cinéaste laisse deviner les personnalités de ces trois femmes. Il ne souhaite pas donner d’explication. Mieux, il considère que plus le spectateur se perd au début du film, plus il sera réceptif par la suite. Ainsi, pour mener son American dream, Millie est surconditionnée : façonnée par les magazines féminins, elle se conforme à tous les standards en cours, sans jamais vraiment y parvenir. On se moque d’elle, personne ne l’écoute. Débarquant de son Texas natal, encore adolescente ou presque, Pinky n’est pas formatée. Rêvant elle aussi de conformité au groupe social, elle prend pour modèle Millie, incarnation de la jeune femme parfaite. La troisième, c’est Willie, plus âgée, mutique, plongée dans la réalisation de fresques psychédéliques. Les hommes sont absents, lâches, ivrognes, volages, tout juste bons à tirer au pistolet comme des enfants.
Trois femmes a pris les atours de sa genèse onirique. Les impressions sont diffuses, baignées d’une langueur certaine, dans un engourdissement prégnant. Altman use des motifs de l’eau et des miroirs, jouant sur des images de gémellité et de double, ajoutant toujours plus de trouble à ce film complexe et fascinant.
Dans cette Californie des années 70, le quotidien est d’une tristesse et d’une noirceur confondantes. Ces femmes sont seules, le vol d’identité apparaît comme la seule issue, et l’amitié comme dévoreuse d’âme. Le duo devient trio, une seule et même femme à trois âges de sa vie. Millie, Pinky et Willie, excluant non seulement les hommes mais finalement la société tout entière, construisent une unité, celle d’une communauté en marge.
« Dans Trois femmes, antifilm d’apprentissage, être normal est une tâche impossible. Personne n’a de place sur la Terre. Quel que soit le choix de l’identité que l’on prendra, on sera exclu. On sera un étranger, qu’on le veuille ou non. Loin de la solidarité et même de la sororité habituellement associées aux années 70, le monde de Trois femmes est un monde où la concurrence est si intense qu’elle se joue à un niveau infinitésimal, microscopique, intime. Entre les petits, c’est la guerre de chacun contre tous. Toute amitié y repose sur une promesse de meurtre psychique. […] Quand une des filles commence à vivre, l’autre se met à crever. » (Pacôme Thiellement, Cahiers du cinéma n°755, mai 2019)
Trois femmes (3 Women)
États-Unis, 1977, 2h04, couleurs, format 2.35
Réalisation & scénario Robert Altman
Photo Chuck Rosher
Musique Gerald Busby
Montage Dennis Hill
Direction artistique James Dowell Vance
Costumes Jules Melillo
Production Robert Altman, Lion's Gate Films
Interprètes Shelley Duvall (Millie Lammoreaux), Sissy Spacek (Pinky Rose), Janice Rule (Willie Hart), Robert Fortier (Edgar Hart), Ruth Nelson (Mrs. Rose), John Cromwell (Mr. Rose), Sierra Pecheur (Mrs. Bunweill), Craig Richard Nelson (le Dr. Maas), Maysie Hoy (Doris), Belita Moreno (Alcira)
Sortie aux États-Unis 29 avril 1977
Présentation au Festival de Cannes 23 mai 1977
Sortie en France 25 mai 1977
Distributeur Park Circus
Restauration 4K par The Walt Disney Company.
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