Des salles de pachinko aux stands d'entraînement de golf, en passant par des cimetières où les enfants jouent au base-ball et des squares où des adolescents dansent le rock, Wim Wenders déambule dans Tokyo, à la recherche de l’univers de Yasujiro Ozu.
© Wim Wenders Stiftung Par Films Du Losange
« S’il y avait jamais eu un paradis de cinéma, c’était là : l’évidence, l’existence à l’état pur, plan après plan. Cela n’était pas porté par une action mais par l’inexorabilité de la destinée humaine. Une sensation de paix m’a envahi, corps et âme, ce qui ne m’était encore jamais arrivé dans une salle de cinéma. » (Wim Wenders, Le paradis perdu, in Les Pixels de Paul Cézanne et autres regards sur les artistes, L’Arche, 2017) Ce « paradis de cinéma », c’est l’œuvre de Yasujiro Ozu dont le cinéaste allemand découvrait les films dans un cinéma de New York. Un véritable choc, une rencontre fondatrice.
Vingt ans après le décès du maître japonais, Wim Wenders s’envole pour Tokyo. Que reste-t-il du cinéma d’Ozu ? Pendant quarante ans, il fut le témoin d’un pays en transformation et de l’évolution de la notion de famille. Bien qu’ancré dans la culture et le territoire nippons, il n’en restait pas moins universel. La vérité de ses images et l’humanité de ses personnages fascinent Wenders. Le cinéaste déambule, filme longuement, comme au hasard, s’arrête, observe. Il donne toute sa place à la ville, jusqu’à laisser ses bruits couvrir la narration en voix off.
Tokyo-Ga n’est pas un pèlerinage sur les traces d’Ozu, c’est une réflexion sensible sur le cinéma au sein d’un journal filmé. Wenders y livre ses impressions, et écoute Werner Herzog, de passage à Tokyo, mais surtout deux anciens collaborateurs d’Ozu. Dans des séquences qui prennent leur temps, Chishu Ryu, acteur fétiche, et Yuharu Atsuta, assistant puis directeur de la photo, racontent la douceur, le respect, le rapport à l’artiste. Yuharu Atsuta explique la caméra à hauteur de tatami, le chronomètre, l’objectif 50mm – ce qui permet de réduire l’espace, démonstration faite avec un sublime plan nocturne d’une ruelle – et ému aux larmes, celui qui n’a pratiquement travaillé qu’avec Ozu, confie que seul le maître japonais savait tirer de lui le meilleur ; travailler avec un autre, après la disparition du réalisateur, était impossible. La force du cinéma d’Ozu, Wenders l’explique ainsi : « Jamais auparavant et jamais plus, le cinéma n'a été aussi proche de son essence et de sa raison d'être. Montrer une image de l'homme de notre siècle. Une image exploitable, fidèle et solide, une image dans laquelle il peut non seulement se voir mais également apprendre quelque chose sur lui-même. »
«Tokyo-Ga est un document léger, intime, vrai et sincère. Et par là, profond. Pas tant sur le Japon que sur Wenders lui-même. Quelque chose passe de son amour d’Ozu, comme de sa fascination de cette japanese way-of-life. Et puis, on sent la Wenders-touch dans cette quête impulsive, itinérante, et hasardeuse. » (Fabrice Revault d'Allonnes, Cinéma n°329, novembre 1985)
Tokyo-Ga
République fédérale d’Allemagne, États-Unis, 1985, 1h32, couleurs, format 1.33
Réalisation & scénario Wim Wenders
Photo Edward Lachman
Musique Dick Tracy (Loorie Petitgand, Mèche Mamecier, Chico Rojo Ortega)
Montage Wim Wenders, Solveig Dommartin, Jon Neuburger
Production Wim Wenders, Chris Sievernich, Wim Wenders Produktion, Gray City, Chris Sievernich Filmproduktion
Avec Chishu Ryu, Yuharu Atsuta, Werner Herzog
Présentation au Festival de Cannes 13 mai 1985
Sortie en République fédérale d’Allemagne octobre 1985
Sortie en France 20 novembre 1985
Distributeur Les Films du Losange
Rétrospective "Wim Winders, d’un monde à l’autre" : ressortie en salle le 25 octobre 2023 par Les Films du Losange.
Restauration 2K par la Fondation Wim Wenders avec le soutien du FFA-German Federal Film Board.
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