Tire-au-flanc

Sublimes moments du muet  / Label Lumière Classics 2023

Jean Dubois d'Ombelle (George Pomiès), couvé par sa famille, s'épouvante de devoir partir à l’armée, même si son fidèle valet de chambre, Joseph (Michel Simon), l'accompagne à la caserne. Bien qu’il soit recommandé au colonel, brimades, corvées et punitions tombent sur lui. Pour couronner le tout, sa cousine Solange (Jeanne Helbling), qui lui était promise, flirte avec un lieutenant.

Tire-au-flanc est tourné en 1928, soit un an avant l’arrivée du parlant. Alors que son film est adapté du célèbre vaudeville troupier d'André Mouézy-Éon et André Sylvane, basé sur un comique de mots et de situations, Renoir bouscule le genre et crée une œuvre d’une belle inventivité, qui pourrait évoquer Buster Keaton. Pour le rôle principal, le cinéaste choisit le danseur Georges Pomiès, dont le corps est l’outil parfait pour incarner le comique de gestes, qui sera au centre du film. Pour Michel Simon, que Renoir vient de rencontrer, il écrit le personnage du valet Joseph. Ensemble, ils tourneront ensuite On purge bébé (1931), La Chienne (1931) et le magistral Boudu sauvé des eaux (1932).

Le cinéaste laisse libre cours à ses acteurs, construisant son film en saynètes rapides, partagées entre les personnages de Jean Dubois d'Ombelle et celui du valet Joseph, avant de les réunir dans un gag final. D’une grande liberté créative, Tire-au-flanc est le seul film comique du réalisateur et chamboule les codes de l’époque.

« Arrive alors la commande toute bête d'un vaudeville militaire, un "comique troupier" qui avait traîné dans tous les théâtres de Paris et de province et qui, loin de décourager Renoir, le stimule : il revient au canevas de départ, une commedia dell'arte dont l'improvisation et la fantaisie nous éblouissent encore aujourd'hui. C'est dans ce film, je crois, que l'on voit le mieux ce qui est le génie de la mise en scène de Renoir : il ose tout ce qui est "interdit" et sa manière de faire entrer et sortir les personnages du cadre, dans la même scène parfois, de ne faire passer qu'un bras, une jambe ou une main devant la caméra, donne l'impression que la vie surgit de partout pour repartir dans tous les sens. Il s'agit de faire comme s'il n'y avait pas de mise en scène et c'est ce jeu du "comme si" qui deviendra la grande forme de Renoir. » (Jean Douchet, Cahiers du cinéma n°482, juillet-août 1984)