The Grand Budapest Hotel

Invité d’honneur : Wes Anderson

Un écrivain raconte la genèse de son roman. Flashback en deux temps, retour dans les années 30… Monsieur Gustave (Ralph Fiennes), l’homme aux clefs d’or du Grand Budapest Hotel, engage un jeune émigré, Zero (Tony Revolori), comme lobby boy. Très apprécié des clients – et particulièrement des clientes – de l’établissement, Gustave est très affecté par le décès de l’une d’elles, Madame D. (Tilda Swinton). Lorsqu’il découvre qu’elle lui lègue un précieux tableau, la famille de la défunte s’insurge…

Au moment où il prépare The Grand Budapest Hotel, Wes Anderson vit depuis une dizaine d’années avec un pied de chaque côté de l’Atlantique. Avec ce film, il veut « donner le point de vue d’un Américain du fin fond du Texas sur ce vieux continent » (Cahiers du cinéma n°698, mars 2014). Ce point de vue s’inspire de la vision de quelques prédécesseurs notables, ces cinéastes immigrés aux États-Unis qui ont modifié le regard qu’Hollywood portait sur le Vieux Continent.

Au premier chef, il y a Ernst Lubitsch. En admirateur absolu de son cinéma, le cinéphile Wes Anderson lui emprunte le tempo et les rebondissements de l’action, les dialogues ciselés et le débit d’une grande rapidité, sel de ses élégantes comédies. Dans ce récit à la mécanique bien huilée, Anderson filme l’amitié dans un récit à tiroirs. Il joue des formats de l’image pour défier le temps, un temps qui file au rythme des histoires d’amour, d’assassinat, de tableau disparu, de course poursuite, d’évasion…

En plaçant son récit quelque part en Mitteleuropa pendant l’entre-deux-guerres, le cinéaste se confronte pour la première fois à l’Histoire. Le monde raffiné et élégant de Gustave est frappé de plein fouet. Hors les murs de l’hôtel-personnage (où l’on retrouve le génie de miniaturiste du cinéaste), c’est la montée du nazisme. Ainsi, l’œuvre d’Anderson se confronte pour la première fois à la violence dans des scènes glaçantes.

« Par-delà les gags cinglants dont il est strié, The Grand Budapest Hotel est l'un des films les plus ambitieux du cinéaste. La froideur et la rudesse du milieu dans lequel le soyeux Gustave est chassé comme une bête renvoient à une idée de la barbarie sans précédent dans l'œuvre de l'auteur. Même dans sa dimension onirique, The Grand Budapest Hotel demeure vidé de toute féerie et de cet esprit d'enfance qui porte le cinéma d'Anderson […] au profit de cette évasion perpétuelle que les prodiges des deux héros ne suffisent pas à soustraire à son issue fatale […] C'est cette ampleur inédite, alliée à une puissance d'évocation qui n'a jamais semblé si souveraine […] qui porte progressivement la déambulation burlesque de Gustave à la dimension d'une fable vampirique sur les derniers miroitements d'un monde au bord de l'évanouissement. » (Vincent Malausa, Cahiers du cinéma n°698, mars 2014)