Tabataba

Lumière Classics : 2. Trésors et curiosités

Fin 1946, dans un village isolé des vallées profondes du pays tanala, à l'est de Madagascar. L'arrivée d'un Malgache de la ville vient soudain interrompre les travaux agricoles. L'homme apporte des idées nouvelles : il faut désormais refuser l'exploitation par les Blancs, obtenir l'indépendance et chasser les Français de l'île. Un parti indépendantiste, le Mouvement démocratique pour la Rénovation de Madagascar (MDRM), s'est créé dans ce but, mais il ne pourra rien sans le soutien de tous les Malgaches.

Raymond Rajaonarivelo est né en 1952, à Antananarivo, capitale de Madagascar. Spectateur assidu des ciné-clubs, il y découvre Une partie de campagne de Jean Renoir (1946), qui sera une révélation. Il vient en France après son baccalauréat, pour devenir, selon le vœu de ses parents, médecin ou ingénieur, mais il souhaite être cinéaste. Il suit ainsi en secret les cours du département de cinéma de l’Université Paul-Valéry à Montpellier puis de l’Université Paris-VIII à Vincennes. Pendant ses études, il tourne deux courts métrages, qu’il ose à peine montrer : Izaho lokanga, ianao valiha (1974) et Babay sa lohovohitra (1980).

Tabataba – "la rumeur" en malgache – est son premier long métrage. Pour le tourner, Rajaonarivelo choisit un village pauvre, enclavé dans les vallées de l’est de Madagascar, n’utilise qu’un seul acteur professionnel, Philippe Nahon, et fait jouer les habitants, alors qu’ils ne sont jamais allés au cinéma ou au théâtre.  Dans ce film, le cinéaste évoque, à travers le regard d’un enfant de 12 ans, l’insurrection malgache de 1947 contre le régime colonial, telle que son grand-père la lui a racontée. Ce récit intime et authentique restitue cette période tragique de l’Histoire du pays, qui fit plusieurs dizaines de milliers de morts.

« Ce n'est pas du grand spectacle, avec beaucoup de figurants, des affrontements sanglants. C'est un jeu de la reconstitution, par les habitants d'un village, dans une nature belle et sereine, soudain bouleversée par l'intolérance et la répression. Bakanga, une très vieille femme, assise dans sa case, sur un fauteuil qui lui fut, dit-elle, donné par le général Gallieni, et un jeune garçon, Solo, frère de Lehidy, transforment les faits auxquels ils assistent et participent, en légende de l'insurrection. Raymond Rajaonarivelo a réalisé une sorte d'imagerie destinée moins à émouvoir qu'à fixer la crise insurrectionnelle dans la vie quotidienne d'une communauté rurale isolée, moralement et physiquement détruite. » (Jacques Siclier, Le Monde, 28 février 1989)