Sans pitié

Lumière Classics : 1.Classiques

Livourne, fin de la Seconde Guerre mondiale. Angela (Carla Del Poggio), à la recherche de son frère, fait la rencontre de Jerry (John Kitzmiller), soldat afro-américain. Une forte complicité naît entre eux. Ils rêvent d’un avenir aux États-Unis.

« Je veux faire le procès implacable de la guerre en jetant en pleine lumière un des épisodes les plus caractéristiques de l’après-guerre. » (Alberto Lattuada, Regards n°208, 12 août 1949) Co-scénarisé par le jeune Federico Fellini, Sans pitié se fait le témoin, à l’image de Vivre en paix de Luigi Zampa l’année précédente, de cette période tragique et de ses aspects les plus terribles : exode des populations, marché noir et trafics de marchandises américaines, prostitution et viols, passages à tabac de la Military Police, camps de prisonniers pour soldats noirs…

Le tournage du film a lieu au printemps 1948 et est particulièrement compliqué, faute de moyens techniques, mais surtout à cause des gangs mafieux de Livourne, qui exigent de passer des accords pour laisser poursuivre les prises de vue. Sur un sujet particulièrement audacieux pour l’époque – le portrait d’un couple mixte –, Sans pitié connaît le succès en Europe et particulièrement en France, mais fait scandale et est interdit aux États-Unis, où les lois ségrégationnistes règnent encore.

Dépeignant un pays en ruines, gangréné par la violence, Alberto Lattuada signe une œuvre fataliste admirablement mise en scène, puissante et, comme le souhaitait le cinéaste, implacable sur cette période de l’Histoire.

« Il s'en faut de peu que Sans pitié ne puisse être tenu pour une œuvre magistrale. Un contenu très dense plonge dans certains des aspects les plus douloureux de l'Italie de l'immédiat après-guerre. La forme est éclatante. Sur le plan esthétique, Lattuada a atteint là un fini dans l'expression sans commune mesure avec cette sorte de "rugosité" de mise en scène qui frappe généralement à la vision des meilleurs films de la période dite "vériste". […] Il est indéniable que Sans pitié possède tous les dehors d'un film implacable. Devant ces images, je retrouvais ce goût de décomposition, de brutalité, sensualité grossière qui nous prenait à la gorge à la lecture des reportages d'envoyés spéciaux de grands quotidiens au moment où la liberté se réinstallait dans une Italie épuisée, ensanglantée, et submergée tout à coup de G.l.'s et de marchandises américaines. » (Raymond Barkan, L’Écran français n°213, 25 juillet 1949)