Avec ses airs studieux, son blazer bleu marine et ses grosses lunettes, Max Fischer (Jason Schwartzman) fait bien plus que ses 15 ans, et passerait aisément pour le meilleur élève de la Rushmore Academy. Mais Max est un personnage hors normes, un génie fougueux et brouillon que ses multiples activités, dont l’écriture de pièces, détournent d’un cursus traditionnel. Il devient le cancre de Rushmore, menacé d’expulsion. Tombé amoureux de son enseignante Miss Cross (Olivia Williams), il décide de construire un aquarium géant en son honneur, avec l’aide du mécène de l’école, l’industriel Mr. Blume (Bill Murray).
Encore enfant, Wes Anderson avait conclu avec son père un « emprunt longue durée » de sa caméra Super 8, afin de faire un film sur le skate. Mais il ne s’imaginait pas cinéaste, plutôt écrivain. Étudiant en philosophie à l’Université d’Austin au Texas, c’est dans les bibliothèques qu’il rencontre vraiment le cinéma : il apprend dans les livres, ceux qui parlent du cinéma américain, de Scorsese ou Coppola, celui de Spike Lee racontant la genèse de Gotta Have It, ceux de Peter Bogdanovich ou de Pauline Kael, ceux qui parlent du cinéma européen, de Fellini, de Bergman... Et de Truffaut. Quand il évoque Les Quatre Cents Coups, Wes Anderson souligne que c’est « le genre de film qui donnait instantanément envie de devenir réalisateur, au même titre que le premier album du Velvet Underground avait incité chaque personne qui l’avait écouté à monter un groupe de rock ».
C’est également à Austin que Wes Anderson rencontre Owen Wilson ; le goût de l’absurde et de l’ironie va les rassembler. Ensemble, ils écrivent le scénario d’un court métrage en noir & blanc réalisé en 1993 par Anderson, Bottle Rocket, dans lequel jouent Owen et son frère Luke. En 1996, le court devient un long métrage en couleurs.
« Peut-être ne saurait-on mieux définir le style cinématographique et le sens de l’intrigue qui caractérisent Anderson que par sa finesse. » (Kent Jones, Cahiers du cinéma n°530, décembre 1998). La finesse de l’observation, le regard singulier, l’attachement à des personnages perdus, c’est sans doute là que se joue le cinéma de Wes Anderson. Rushmore ne rentre dans aucune case. Entre comédie douce-amère et roman d’apprentissage, il porte en lui une tonalité irréelle et des accents salingériens.
Max Fisher – premier rôle de Jason Schwartzman – est difficile à cerner. Il n’est pas un élève modèle. Pour autant, il parle aux adultes d’égal à égal, avec gravité. Égocentrique, il se rêve en héros de son école. Né des souvenirs d’adolescence de Wes Anderson et d’Owen Wilson, ce personnage n’a, selon ce dernier, « qu’une vague notion de sa bizarrerie et de la façon dont les gens le perçoivent ». Son obstination maladive est génératrice d’échecs à répétition.
Max est en décalage avec le monde qui l’entoure. Mais ni Miss Cross, ni Mr. Blume ne semblent plus à l’aise dans leur génération. Ici, les enfants sont matures, et les adultes perdus. Le chaos est interne. Avec une rare économie de moyens, Bill Murray offre à Mr. Blume son air de chien battu, traînant sa mélancolie, de son usine au bord de sa piscine, se laissant couler dans l’eau, bref répit hors du monde.
« Rushmore doit beaucoup à une série de seconds rôles remarquablement écrits, comme celui de Seymour Cassell, parfait père de Max, coiffeur de son état, que son fils fait passer pour un neurochirurgien. Pourtant il est dominé par l’interprétation de Bill Murray et de Jason Schwartzman, qui donne à Max une complexité absente de bien des personnages stéréotypés de la comédie américaine d’aujourd’hui. Rushmore est une belle histoire et, comme le titre du film le suggère, un monument dans son genre. » (Samuel Blumenfeld, Le Monde, 20 novembre 2011)
Rushmore
États-Unis, 1998, 1h34, couleurs, format 2.35
Réalisation Wes Anderson
Scénario Owen Wilson, Wes Anderson
Photo Robert Yeoman
Musique Mark Mothersbaugh ; The Kinks, Cat Stevens, The Who, Donovan, The Rolling Stones, Yves Montand…
Montage David Moritz
Décors David Wasco
Costumes Karen Patch
Production Barry Mendel, Paul Schiff, American Empirical Pictures, Touchstone Pictures
Interprètes Jason Schwartzman (Max Fischer), Bill Murray (Mr. Blume), Olivia Williams (Miss Cross), Seymour Cassel (Bert Fischer), Brian Cox (Dr. Guggenheim), Mason Gamble (Dirk Calloway), Sara Tanaka (Margaret Young), Luke Wilson (Dr. Peter Flynn)
Présentation au Festival de Toronto 17 septembre 1998
Présentation au Festival de Telluride 6 décembre 1998
Sortie aux États-Unis 19 février 1999
Sortie en France 17 novembre 1999
Distributeur The Walt Disney Company France
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