Ray

Invité d’honneur : Taylor Hackford

Né dans une famille pauvre, Raymond Charles Robinson (Jamie Foxx), jeune Noir atteint de cécité, développe un don pour le piano. À 17 ans, il traverse les États-Unis en bus afin de vivre de sa musique.

 © Baldwin Entertainment / DR

En 1988, le fils aîné de Ray Charles propose à Taylor Hackford d’adapter l’autobiographie de son père. Le cinéaste est alors connu pour son goût pour la musique autant que pour le cinéma. Il a produit en 1987 une fiction sur Ritchie Valens, La Bamba de Luis Valdez, et réalisé en 1988 le documentaire sur Chuck Berry, Hail! Hail! Rock'n'Roll. Hackford mettra plus d’une douzaine d’années à réunir le financement de Ray. Lorsqu’il rencontre Ray Charles pour la première fois, il lui explique simplement vouloir « raconter la musique » : séduit, le musicien se livre sur sa vie, son parcours, sans éluder les moments les plus difficiles. Le film, validé par le chanteur, sortira quelques mois après sa mort en 2004.

Le parcours d’un musicien noir né dans une Amérique ségrégationniste – pour ne pas dire raciste –, devenu star et surnommé "Genius", en proie à son passé et à son addiction à l’héroïne, ses amours orageuses… : il s’agit là d’un matériau rêvé pour Hollywood. Malgré quelques arrangements avec la vérité, Ray est, comme le souligne Jean-Pierre Coursodon, « sans doute, avec Bird de Clint Eastwood, le meilleur film jamais consacré par Hollywood à la vie d’un musicien » (Positif n°529, mars 2005). La performance de Jamie Foxx (oscarisé, tout comme le film, en 2005) est exceptionnelle. Jouant de sa ressemblance physique, il est Ray Charles. Ses années de piano sont mises à profit puisqu’il interprète effectivement les chansons à l’écran, avec les musiciens. Mais ce sont bien sûr les originaux qui seront utilisés dans la bande son. Enfin, cette reconstitution extrêmement soignée a l’énorme intérêt de réinscrire tous ces titres, qui font désormais partie de la mémoire collective, dans la vie de Ray Charles et dans le contexte social et politique de l’époque.

« La charge émotionnelle du film vient aussi de la proximité dans la mémoire. On croit avoir fait son deuil de l'artiste et voici qu'il nous est redonné à voir et à entendre, comme s'il était encore bien présent. Lorsqu'à la fin du film, nous voyons de vraies photos de Ray Charles, il n'y a pas de hiatus. Cela vient bien sûr de l'étonnante prestation de Jamie Foxx, habité par son modèle, mais aussi d'une distribution très homogène où l'on sent toute une équipe engagée dans la célébration d'un artiste exceptionnel. Ray est une invitation à s'associer à cette célébration : au-delà de la biographie, ce qui reste, ce sont les œuvres, ces chansons que l'on croit connaître et qui gagnent à être réécoutées pour en retrouver le sens. La fonction et la justification du film consistent non pas à nous proposer un best of, mais à parcourir une œuvre pour en comprendre la dynamique, l'originalité et la permanence. » (Bernard Nave, Jeune Cinéma n°295, mars / avril 2005)