Par-delà les nuages

Prix Lumière : Wim Wenders

Muni d’un appareil photo, un cinéaste se promène en France et en Italie. Sa quête lui inspire quatre histoires d’amour. Dans la première, un jeune homme est tellement épris d’une jeune fille qu’il ne peut se résoudre à sacrifier son désir au plaisir. Dans la deuxième, le réalisateur est fasciné par une jeune femme qui lui avoue : « J’ai tué mon père… ». À Paris, des couples se déchirent. Deux ruptures. Une rencontre. C’est la troisième histoire. La sublimation de l’amour est le thème de la dernière : un même cœur peut-il aimer Dieu et les hommes ?

« Qu’un tel homme ne doive plus faire de film pour la seule raison qu’il ne pouvait pas parler, cela me paraissait inconvenant et inacceptable. » (Wim Wenders, Avec Michelangelo Antonioni – Chronique d’un film, L’Arche, 1995). En 1985, Michelangelo Antonioni est victime d’un AVC qui le laisse partiellement paralysé et aphasique. Wim Wenders avait rencontré le cinéaste trois ans auparavant, à Cannes, et lui avait donné la parole dans Chambre 666. L’absence d’Antonioni dure depuis plus de dix ans lorsque le producteur Stéphane Tchalgadjieff contacte Wenders : Antonioni souhaite tourner, mais la production doit s’assurer les services d’un stand-by director en cas de défaillance du maître italien.

Pour cette chronique d’amours impossibles, Antonioni filme quatre histoires adaptées de ses écrits, notes, ébauches de scénarios, recueillis dans Rien que des mensonges. De son côté, Wenders écrit l’histoire-cadre, celle du cinéaste incarné par John Malkovich (un double d’Antonioni), et réalise prologue, liaisons et épilogue, assurant ainsi l’unité du film. De Portofino à Paris, en passant par Ferrare et Aix-en-Provence, les deux hommes filment avec délicatesse des fragments amoureux, le début d’un sentiment, la suspension d’un désir, la sensualité des corps. Par-delà les nuages, qui aura permis à Antonioni de retrouver la caméra, est une fusion de deux univers, de deux générations, et une expérience de création dans laquelle tout était envisageable.

« La poétique de Par-delà les nuages vient de la conjonction parfaite du sujet et de la mise en scène. Rarement a-t-on vu un cinéaste donner au décor une place aussi juste dans sa relation aux corps des acteurs, à ce qui se passe à l’intérieur des personnages. Et chaque cadre, chaque mouvement de caméra magnifie le regard que porte Antonioni sur le monde et les gens qu’il nous donne à voir.  Tout paraît si simple, si évident et en même temps si beau que parfois le dialogue semble superflu bien que la musique des voix participe pleinement de cette poésie de l’image. » (Bernard Nave, Jeune Cinéma n°235, janvier 1996)