Nick's Movie

Prix Lumière : Wim Wenders / Documentaires

Les derniers mois du cinéaste Nicholas Ray, filmés par Wim Wenders. Entre documentaire et fiction, Nick's Movie est un projet commun, né d’une profonde amitié, et l’au-revoir d’un jeune réalisateur européen à un maître américain.

 © Wim Wenders Stiftung par Films du Losange

Wim Wenders et Nicholas Ray se sont rencontrés sur L’Ami américain où le réalisateur de La Fureur de vivre et de Johnny Guitar incarnait un peintre qui, simulant sa propre mort, jouait les faussaires de ses propres toiles. De ce tournage est née une forte amitié entre les deux hommes. Installé aux États-Unis, Wim Wenders rend ainsi régulièrement visite à Ray pendant ses hospitalisations – il est traité pour plusieurs cancers. Nicholas Ray veut tourner, mais les projets n’aboutissent pas. L’idée de faire un film ensemble voit le jour lors d’une conversation téléphonique. Les deux hommes commencent à tourner sans idée définie, pendant une pause de Wim Wenders dans la préparation de Hammett.

Œuvre inclassable, Nick’s Movie touche à tout : entre fiction et documentaire, filmé en 35 mm et vidéo. Nicholas Ray en est le (co)réalisateur, mais y joue aussi un réalisateur. C’est ainsi un film sur une œuvre en cours de création, un film dans le film. La version projetée à Cannes ne satisfait pas Wenders. Pris par Hammett, il n’avait quasiment pas pu s’occuper du montage. Il lui reproche un aspect trop chronologique et trop documentaire. Il s’enferme trois mois en studio, coupe, ajoute une voix off, et surtout, raconte cette histoire à la première personne, de manière bien plus personnelle et incarnée, et cosigne un hommage poétique.

Bien que Nicholas Ray se sache malade et dans ses dernières semaines, Nick’s Movie reflète bien plus la vie que la mort. Le corps s’éteint, mais l’esprit est d’une rare vivacité. La question de filmer la mort qui rôde autour de l’artiste était omniprésente : une question morale et éthique trouvant une réponse dans la volonté de Ray de toujours créer. « Savoir si l’on pouvait planter la caméra est une question qui s’est posée à chaque fois que nous avons travaillé à Lightning Over Water. On n’a jamais tourné sans que la question ne soit en suspens, sans qu’elle ne soit discutée, sans qu’elle n’ait eu l’acquiescement de Nick. […] Et à chaque fois, la décision était : oui, c’est bien, c’est juste, c’est important pour lui que nous soyons là, que ce travail existe, que Nick soit entouré d’une équipe de cinéma dans les derniers mois de sa vie. C’est ce qu’il veut. » (Wim Wenders, entretien avec Peter W. Jansen in La Vérité des images, Wim Wenders, L’Arche, 1992)