Maine-Océan

Événements et célébrations / Hommage à Jacques Rozier

À bord de l’express Maine-Océan, Déjanira (Rosa-Maria Gomes), Brésilienne ne parlant pas un mot de français, a bien des démêlés avec deux contrôleurs zélés (Bernard Menez, Luis Rego). Une voyageuse (Lydia Feld) vient à son secours. Elle est avocate et s’en va défendre un client, marin-pêcheur sur l’île d’Yeu (Yves Afonso). Déjanira décide de l’accompagner.

Deux contrôleurs SNCF, une danseuse brésilienne, un imprésario mexicain, une avocate férue de linguistique, un marin-pêcheur vendéen… C’est un melting-pot de classes sociales que convoque Jacques Rozier au bar de la Marine de l’île d’Yeu.De façon inattendue, ces personnages banals se lient, prennent le temps de vivre, laissent éclater leurs rêves pour certains (le music-hall), leurs colères pour d’autres (l’injustice d’une peine). Avec son habituelle liberté, le cinéaste crée une intimité entre ces personnes dont l'histoire commune a débuté par un délectable dialogue de sourds dans un train. À l’image de l’avocate, Rozier travaille sur le langage : nul besoin de sous-titres, personnages et spectateurs comprennent, dans une communion rafraîchissante, le portugais, le vendéen, l’anglais, l’italo-espagnol…

Maine-Océan est un film infiniment libre, qui se moque des conventions : la comédie prend des allures de documentaire, l’improvisation, comme toujours chez Rozier, est constante. Le réalisateur pratique l’art de la fugue avec brio, et dans un style qui n’appartient qu’à lui, fait virevolter nonchalamment sa caméra, tout en faisant durer scènes et plans avec délectation. Preuve de son éternelle jeunesse, Jacques Rozier reçoit pour ce film le prix Jean Vigo, habituellement remis à de jeunes réalisateurs. Il a alors 60 ans.

« Récit initiatique, exploration ethno-géographique, dérive du vague à l’âme saupoudrée d’embruns, errance du regard, etc., on pourra s’amuser à en retrouver les traces, il s’agit avant tout pour Rozier d’en faire l’épargne. » (Jean-Pierre Rehm, in Jacques Rozier, le funambule, sous la direction d’Emmanuel Burdeau, Cahiers du cinéma, 2001)