M*A*S*H

Robert Altman - Le grand cirque

Au début des années 50, pendant la guerre de Corée, une antenne chirurgicale de campagne accueille trois nouveaux médecins : Hawkeye (Donald Sutherland), Trapper John (Elliott Gould) et Duke (Tom Skerritt). Ils sont extrêmement compétents, mais rebelles à toute autorité et vont mettre le camp sens dessus dessous.

Né en 1925 à Kansas City, dans une famille de la classe moyenne, Robert Altman est l’aîné de sa fratrie (et de ses 14 cousins et cousines). Il est scout, collectionne les serpents et charme tout le monde. Encore enfant, il découvre l’art dramatique, par le biais des émissions de radio de Norman Corwin. Le cinéma est pour lui, comme pour les gamins de son âge, un divertissement : il fait le mur pour aller au cinéma et dévore les films. Peu à l’aise dans le système scolaire, il entre à l’académie militaire Wentworth en 1941. À 18 ans, il s’engage dans l’US Air Force et devient copilote de bombardiers B-24 durant la guerre du Pacifique.

« Oh ! putain, j’en ai eu de la chance ! J’ai vraiment intérêt à être bon. » C’est dans cet état d’esprit que Robert Altman quitte l’armée. De Los Angeles à New York, en passant par Kansas City, il enchaîne les boulots (tatoueur pour chiens, comédien) tout en se déclarant écrivain. Il écrit pièces et articles avec George W. George, vend des scénarios à la RKO… puis entre à la Calvin Company, à l’époque, la plus importante société de 16 mm au monde. Il y devient scénariste, puis réalisateur et quittera plusieurs fois provisoirement la compagnie, avant d’en partir définitivement en 1955. Il réalise en 1957 The Delinquents, pour le compte d’un exploitant, puis est repéré par Hitchcock qui lui confie la réalisation de quelques épisodes de sa série Alfred Hitchcock Presents. Il enchaîne ensuite de nombreuses réalisations pour des séries fameuses, Maverick, Peter Gunn ou Bonanza.

Après deux longs métrages intéressants mais traditionnels, Countdown (1967) et That Cold Day in the Park (1969), il opère un virage radical et entame, avec M*A*S*H, une nouvelle carrière, qu’il mènera tambour battant durant trente-cinq ans.

« Dès le début du tournage, je voulais agresser le public, l’attaquer. Pour moi, c’était le "méchant" du film. Parce que je tiens le public pour responsable (et dans ce public, je m’inclus aussi) de tout ce que nous trouvons inadmissible et qui se déroule sous nos yeux. Les responsables des crimes monstrueux que l’on commet sous notre nez sont moins les gens qui les commettent que ceux qui permettent qu’on puisse les commettre.» (Robert Altman, Positif n° 147, février 1973)

Le scénario de Ring Lardner Jr., adaptation du roman de Richard Hooker, avait été refusé par une quinzaine de réalisateurs. Altman l’accepte, mais exige de son producteur, Ingo Preminger, une totale liberté. Une liberté dont il profite largement : M*A*S*H marque, en 1970, l’avènement d’un cinéma américain turbulent et insolent. Lors de la sortie du film, le New York Times écrira : « À 46 ans, Robert Altman est le nouveau génie de 26 ans sorti par Hollywood ».

Pour ne pas sombrer dans la folie, alors que la mort rôde, trois jeunes frondeurs anticonformistes recherchent le plaisir sous toutes ses formes et bafouent, dans un style certain, l’autorité du M.A.S.H. (Mobile Army Surgical Hospital). M*A*S*Hfaitexploserles codes du film de guerre, critique société et institutions et manie un humour noir morbide. Rien n’est épargné, tout est attaqué, violemment, dans cette féroce satire : guerre, mort, sexe, armée, religion, suicide…

M*A*S*H s’inscrit ainsi pleinement dans la contre-culture de l’époque : antimilitarisme, liberté sexuelle, opposition à la guerre du Viêt-nam… Car si le film décrit le front coréen, c’est bien l’enlisement au Viêt-nam que visait le roman de Richard Hooker. Succès critique et public, M*A*S*H recevra la Palme d’or à Cannes en 1970 et l’Oscar du meilleur scénario adapté en 1971.

« Dans une Amérique où Nixon essaye de relancer les valeurs traditionnelles et nationalistes, où les banques et les stations-services distribuent des drapeaux, où les anciens combattants revenant du Viêt-nam ont droit à des carnets de chèques spéciaux, avec leur nom et leur grade "gravés gratuitement", un tel film prend des allures de défi, d’autant qu’il est écrit par ce que Mr. Agnew appelle : "un horrible intellectuel rouge". » (Bertrand Tavernier, Positif n°120, octobre 1970)