Deux anges, Damiel (Bruno Ganz) et Cassiel (Otto Sander), observent Berlin. Invisibles, ils déambulent dans les rues, voient et entendent tout. Damiel s’éprend d’une trapéziste, Marion (Solveig Dommartin), qui se produit dans un cirque en difficulté.
© Wim Wenders Stiftung
« Qui veut faire un film, rédiger un livre, peindre un tableau, en somme inventer quelque chose, commence par là, par un désir. […] J'ai désiré, j'ai vu luire l'éclair d'un film à et sur Berlin. Un film dans lequel s'inscrirait une certaine idée de cette ville depuis la fin de la guerre. Un film qui ferait apparaître enfin ce qui manque dans tant de films tournés à Berlin et qui pourtant semble tellement à portée de la vue : des sentiments certes, mais aussi quelque chose dans l'air, sous les pieds, ce qui distingue si radicalement la vie ici de la vie ailleurs, dans d'autres villes. J'en reviens à mon désir de ce film. J'ajouterai : c'est le désir de quelqu'un longtemps absent d'Allemagne et qui n'a jamais voulu ni pu reconnaître, ailleurs que dans cette ville, ce qui fait qu'on est allemand. […] Naturellement, j'ai désiré plus encore que ce film parle, ici, de la seule question impérissable : Comment vivre ? Ainsi Berlin représente-t-il aussi, dans ce désir, le Monde, car c'est un "lieu historique de la vérité". Aucune autre cité n'est à ce point symbole, à ce point lieu de survie. » (Wim Wenders)
Prix de la mise en scène au Festival de Cannes 1987, Les Ailes du désir – en allemand Der Himmel über Berlin, littéralement « le ciel au-dessus de Berlin » – est une œuvre profondément poétique. Porté par les mots de l’écrivain Peter Handke et photographié par le magicien Henri Alekan, le film de Wim Wenders relève du conte fantastique. Ce sont ses lectures de Rilke qui inspireront au cinéaste les personnages des anges. Dans une ville béante, ils sont ceux qui voient tout, qui entendent les plus profondes pensées, parfois les plus malheureuses aussi, comme d’incessants monologues. Une main posée sur l’épaule de ces hommes et de ces femmes, ils tentent de les réconforter. D’un côté les anges, immortels, dans l’impossibilité de vivre les choses ; de l’autre, les humains, mortels, mais sensibles. Pour "ressentir", enfin, Damiel, amoureux de Marion, une jeune trapéziste, abandonne son immortalité. Encouragé par un acteur américain sur le tournage d’un film sur la Seconde Guerre mondiale, lui-même ex-ange (fantastique Peter Falk, entre deux mondes), il découvre les couleurs, le goût (celui du sang de sa blessure ou du café brûlant au petit matin), la chaleur de ses mains, et le désir, implacable, de retrouver Marion. Désormais mortel, il peut vivre.
La caméra de Wim Wenders plane, glisse, ne se heurte à rien, traverse les murs, traverse le Mur. Dans un long mouvement, comme en apesanteur, elle évolue, gracile, dans une sorte de chorégraphie amoureuse. Elle capte les terrains vagues, les no man’s lands, les ruines. Elle enregistre les douleurs, la difficulté de vivre d’une ville qui voudrait l’oubli, d’une ville où les stigmates de l’Histoire semblent annihiler toute volonté d’avenir. Mais peu à peu, le profond noir & blanc d’Alekan laisse entrevoir des flashs de couleurs, celles d’une vie qui paraît reprendre. Et avec elle, l’histoire d’une rencontre, celle de Damiel et Marion.
« Lors du dialogue final […], Wenders fait dire à Solveig Dommartin, entre dix phrases éblouissantes : “Il n'y a pas de plus grande histoire que la nôtre.” À quoi la voix de Bruno Ganz viendra ajouter : “Il était une fois, donc il sera.” […] Wenders filme ce que personne n'ose plus filmer. […] L'amour enfin réinventé. Deux plans couronnent ce qu'il ne faut pas craindre d'appeler un chef-d'œuvre : Marion/Solveig, dans son tailleur écarlate, s'approchant du comptoir où elle a reconnu l'homme qui, de toute éternité, l’attendait ; Damiel/Ganz faisant doucement tournoyer Marion la trapéziste accrochée à sa corde lisse, dans une lumière lustrale de recommencement d'un monde. Apothéose proprement magique dont on n'a pas fini de se déprendre. » (Lucien Logette, Jeune Cinéma HS Wim Wenders, décembre 1989)
Les Ailes du désir (Der Himmel über Berlin)
République fédérale d’Allemagne, France, 1987, 2h08, noir et blanc /couleurs, format 1.66
Réalisation Wim Wenders
Assistante réalisation Claire Denis
Scénario Wim Wenders, avec la collaboration de Peter Handke
Photo Henri Alekan
Musique Jürgen Knieper, Laurent Petitgand ; Nick Cave and The Bad Seeds, Crime and The City Solution, Laurie Anderson…
Direction artistique Heidi Lüdi
Montage Peter Przygodda
Costumes Monika Jacobs
Production Wim Wenders, Anatole Dauman, Road Movies Filmproduktion, Argos Films en coopération avec WDR
Interprètes Bruno Ganz (Damiel), Solveig Dommartin (Marion), Otto Sander (Cassiel), Curt Bois (Homer), Peter Falk (dans son propre rôle)
Présentation au Festival de Cannes 17 mai 1987
Sortie en France 23 septembre 1987
Sortie en République fédérale d’Allemagne 29 octobre 1987
Distributeur Tamasa
Restauration 4K par la Fondation Wim Wenders avec le soutien du Medienboard Berlin-Brandenburg, du FFA et du CNC.
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