Le Tatoué

Denys de La Patellière

Brocanteur enrichi dans le commerce des peintures naïves, Félicien Mézeray (Louis de Funès) découvre un jour un authentique Modigliani, tatoué sur le dos de Legrain (Jean Gabin), un ancien légionnaire bougon et coléreux. Dès cet instant, Mézeray est obsédé par l'idée d'acquérir cette œuvre inconnue du grand peintre de Montparnasse.

En 1968, après la sortie de Caroline chérie en février, Denys de La Patellière se lance dans la réalisation du Tatoué, qui se révélera être un défi technique et humain.

Adapté d’une nouvelle d’Alphonse Boudard, le scénario est d’abord confié à l’auteur lui-même, à la demande de Jean Gabin. Mais bientôt Boudard abandonne, mécontent de la tournure que prend l’affaire. Le scénario est alors confié à Pierre Levy-Corti, appelé à la rescousse par de Funès. Mais, à quelques jours du tournage, son travail n’a pas abouti et n’est pas approuvé par les acteurs principaux. C’est donc à Pascal Jardin qu’est confiée la lourde tâche de la réécriture. Alors que le tournage a finalement commencé sans que le scénario soit achevé, Jardin se voit contraint d’écrire les scènes au jour le jour ; le film est ainsi tourné chronologiquement, afin de lui faciliter le travail.

Le Tatoué marque la rencontre inédite entre Jean Gabin et Louis de Funès. Ils ont donné beaucoup de fil à retordre au scénariste, qui a dû créer des rôles parfaitement équitables afin de ne pas froisser les deux acteurs et trouver des scènes qui fonctionnent selon leurs tempéraments personnels : le calme et la précision de Gabin face à l’agitation et la spontanéité de de Funès. Ainsi, les personnages sont aussi opposés que leurs interprètes, et leur mésentente mettra à rude épreuve le réalisateur et le producteur : après s’être chamaillé pour le choix du scénariste, chacun veut sélectionner le casting. Tout est prétexte à agacement : l’un est d’abord jaloux de la chambre d’hôtel de l’autre et veut être relogé, puis ils refusent tous deux de monter ensemble sur un tandem et réclament deux bicyclettes. Bientôt, ce sont leurs épouses qui refusent de se croiser.

Malgré toutes ces péripéties, le film sort en salle et connaît, sans surprise, un immense succès. « Denys de La Patellière, a réussi le tour de force d'opposer à égalité Jean Gabin et Louis de Funès. Pour déplacer et réunir deux montagnes de cette dimension, il faut vraiment beaucoup de foi et encore plus d'acharnement. » (Robert Chazal, France Soir, 20 avril 1968)