Le Salaire du péché

Denys de La Patellière

À La Rochelle, Jean de Charvin (Jean-Claude Pascal), petit journaliste de province, ambitieux et cynique, épouse Isabelle Lindstrom (Danielle Darrieux), fille d’un riche armateur. Mais ce dernier désavoue ce mariage et déshérite sa fille.  Alors qu’il croit être condamné à vivre petitement, Jean apprend bientôt que son beau-père, cardiaque, a remis Isabelle sur son testament.

À la suite du très beau succès des Aristocrates, Denys de La Patellière enchaîne dès l’année suivante avec Le Salaire du péché. Le cinéaste adapte Emily le saura ! de Nancy Rutledge, romancière américaine spécialiste du thriller psychologique, mais donne à son film un titre issu du Nouveau Testament : « Car le salaire du péché, c'est la mort ; mais le don gratuit de Dieu, c'est la vie éternelle en Jésus-Christ Notre Seigneur. » (Romains 6.23)

Après avoir brossé le tableau de l’aristocratie dans sa première réalisation, La Patellière transfère ici le roman, paru dans la « Série Blême » et qui laissait prévoir un film noir à l’américaine, au cœur de la bourgeoisie protestante de La Rochelle. Il ajoute à cette étude de mœurs une intrigue criminelle, ainsi qu’une atmosphère nébuleuse, grâce à un travail sur le clair-obscur, les ombres, la musique… Et c’est bien deux films qui rivalisent dans cette œuvre, sans véritablement arriver à se fondre l’un dans l’autre : une intrigue riche, violente et la peinture d’un milieu social.

Le public est au rendez-vous, mais la critique est moins convaincue, même si elle reconnaît au réalisateur du talent pour restituer des atmosphères et diriger parfaitement ses comédiens. « La Patellière […] est une valeur solide qui peut et doit continuer dans cette voie ardue qui est la sienne. Qu'il tienne pour preuve que ses moments de faiblesses sont ceux-là mêmes où il cède à la convention dite : pour-le-public. […] Pour une fois que nous possédons un metteur en scène capable de nous montrer l'intérieur des drames, qu'il ne se croie pas obligé de les accrocher avec des ficelles. Qu'il n'écoute pas les conseilleurs. Il est taillé dans une roche dure. Nous attendons énormément de choses de lui, nous l'admettrons impitoyable, mais tous ceux qui l'aiment le seront aussi à son égard. C'est dans le style qu'il nous a imposé. » (R.M. Arlaud, Combat, 4 janvier 1957)