Le Chemin

Histoire permanente des femmes cinéastes : Ana Mariscal

Daniel (José Antonio Mejías), surnommé "Le Hibou", mène une existence d’enfant insouciant avec ses amis, jusqu'à ce que son père décide qu'il est grand temps de l'envoyer au collège, en ville.

 © Filmoteca Española

Chronique de l’Espagne rurale d’après-guerre, Le Chemin porte à l’écran le roman de Miguel Delibes. Autant dans un souci d’authenticité que pour des questions financières, Ana Mariscal tourne en extérieur : le film est visuellement splendide, donnant à ressentir les derniers jours de Daniel avant le grand départ. Le jeune garçon envoyé à la ville par son père afin de sortir de sa condition modeste, passe ses derniers instants avec ses inséparables copains. Ils traînent, jouent et surtout observent les adultes, tout en s’interrogeant sur leur capacité à concrétiser les espoirs de leurs parents. C’est la fin de l’enfance, la prise de conscience des responsabilités, mais aussi de la finitude des choses.

Sans intrigue particulière, Ana Mariscal filme ainsi la vie comme elle va, non sans des pointes d’humour : les commérages, le quotidien, les histoires d’amour… Elle peint avec justesse une galerie de personnages, où se côtoient paysans, curé, vieilles filles et bigots. Car la religion et la morale irriguent la vie quotidienne. En évoquant les projections de films amputés par la censure franquiste, la réalisatrice fait preuve d’anticonformisme. Coup du sort, Le Chemin sera interdit aux moins de 18 ans. Jugé trop peu commercial, il ne trouvera pas de distributeur et ne sera jamais projeté en salles.

Ana Mariscal considérait Le Chemin comme son film le plus personnel. « Miguel Delibes n'a pas écrit Le Chemin seulement avec des mots, tout comme je n'ai pas réalisé le film seulement avec des images. La littérature et le cinéma se font avec l'esprit. Aussi fidèle que je veuille être, par admiration, son esprit n'est pas le mien et le mien n'est pas le sien. C'est pourquoi il a dû se sentir trahi, mais cette trahison a été, pour moi, une joie. J'avais réussi mon interprétation. Il avait perdu la sienne. Après, il a dû s'y habituer. Et certaines trahisons, parées de réussite, deviennent plus supportables. » (Ana Mariscal)