Le Bateau d’Émile

Denys de La Patellière

Alors qu’il se sait malade, le richissime Charles-Edmond Larmentiel (Michel Simon) revient à La Rochelle, sa ville natale. Avant de mourir, il veut se venger de son frère, François (Pierre Brasseur) : celui-ci ne doit pas toucher un centime de l’héritage. Pour y parvenir, Larmentiel doit retrouver son fils naturel, Émile Bouet (Lino Ventura), et en faire son unique héritier.

Dans une ambiance provinciale et portuaire, La Patellière, Audiard et Ventura se réunissent pour une nouvelle collaboration. Évoquant la tradition réaliste des années 30, Le Bateau d’Émile prend pour décor La Rochelle ― où le cinéaste a déjà tourné Le Salaire du péché en 1956 ― avec ses bars de marins, son port, ses rues aux pavés luisants.

Le milieu bourgeois des Larmentiel s’oppose à celui, bien plus simple, d’Émile le pêcheur, qui se retrouve au centre d’une affaire d’héritage transformée en guerre familiale, dans laquelle tous les coups sont permis. François, incarné par un Pierre Brasseur ingénieux, essaie de le faire flancher en lui proposant sa fille Claude en mariage. Mais pour Émile, impossible de quitter Fernande, sa compagne. Leur couple n’a rien de romantique, au contraire : ils échangent les baisers comme les gifles, les regards tendres comme les insultes. Et leurs grandes envolées sont dialoguées par un Audiard en pleine forme.

« Denys de La Patellière, avec une bonne histoire couleur locale, des acteurs plus que solides, des prises de vues maritimes de La Rochelle qui font très vrai ― et pour cause ! ― a brossé un film destiné à avoir du succès. [...] Les seules longueurs sont destinées à mettre en valeur le tandem "croustillant" formé par A. Girardot et Ventura.   Époustouflants sont, de leur côté, Brasseur et M. Simon : la grande classe. » (Cinémonde, 13 mars 1962)

L’interprétation des comédiens est pleine de saveur et d’humour : Michel Simon est parfait en riche revanchard et le public voit en Ventura un nouveau Gabin. Annie Girardot, acclamée par la critique, rappelle brillamment Arletty. « Quand on place face à face des acteurs possédant une aussi forte personnalité, ils mettent généralement un point d’honneur à se surpasser. » (Denys de La Patellière, Combat, 9 novembre 1961)