La Bête humaine

Grands classiques du noir et blanc

Depuis qu’elle a été témoin du meurtre qu’il a commis, Séverine (Simone Simon) ne supporte plus son mari Roubaud (Fernand Ledoux), chef de gare au Havre. Elle devient la maîtresse de Jacques Lantier (Jean Gabin), mécanicien de locomotive. Séverine incite alors Lantier à tuer Roubaud. Mais Lantier souffre d’un terrible mal qui l’empêche de vivre ses passions amoureuses…

  © MM. Hakim / Paris Film / DR

Superbe adaptation du roman éponyme d’Émile Zola, dix-septième volume de la série Les Rougon-Macquart, La Bête humaine de Jean Renoir en est la version modernisée, transposée à l’époque contemporaine.

Avec une intrigue resserrée sur Jacques Lantier et Séverine, Renoir délaisse l’aspect social de l’œuvre de Zola mais en préserve la dimension fataliste : le personnage de Lantier, de par sa filiation (c’est le fils de Gervaise), est condamné par le destin. « J’ai d’abord été saisi par la préoccupation de l’auteur de créer un engrenage capable d’entraîner sans rémission les héros de son livre […]. Cette fatalité joue puissamment dans le livre, et j’espère qu’elle sera visible dans le film. La Bête humaine de Zola rejoint par ce côté les grandes œuvres des tragiques grecs. Jacques Lantier, simple mécanicien de chemin de fer, pourrait être de la famille des Atrides. » (Jean Renoir, Écrits 1926-1971, Ramsay Poche Cinéma, 2006)

Symphonie en noir & blanc, La Bête humaine dévoile un univers poétique et onirique, porté par la musique de Joseph Kosma. Avec sa dimension quasi documentaire sur l’univers du rail, le film est considéré comme un sommet de la tragédie naturaliste, notamment grâce à son inoubliable séquence d’ouverture. Celle-ci est une plongée ultra réaliste à bord d’une locomotive déchaînée, lancée à plein régime, la Lison, conduite par un Jean Gabin couvert de suie – aussi crédible qu’un véritable mécanicien, car formé par la SNCF. Cette dernière, créée en janvier 1938, engagera de grands moyens dans le tournage, mettant notamment un tronçon de voie à la disposition de l’équipe. « Si d’aventure, regardant la séquence d’ouverture de La Bête humaine, vous n’aviez pas la gorge nouée et le cœur battant, c’est qu’un aspect essentiel de l’art cinématographique vous échapperait : la fascination esthétique exercée par l’image ; c’est alors toute votre éducation qui serait à refaire. » (Marcel Martin, Les Lettres françaises, 1^er septembre 1966)

En 1954, le film fait l’objet d’un remake : Désirs humains, réalisé par Fritz Lang.