L’Homme au coin du mur rose

Lumière Classics : 2. Trésors et curiosités

En 1910, le gouverneur de Buenos Aires accorde le pardon à certains prisonniers à l’occasion du centenaire de l’indépendance de l’Argentine. Parmi eux, Francisco Real, "El Corralero" (Francisco Petrone), un tueur à gages déterminé à changer de vie et à se ranger. Le destin en décidera autrement et le contraindra à venger son ancien compagnon de cellule, Nicolás Fuentes.

Né en 1909 à Buenos Aires, René Mugica fait ses premières apparitions en tant qu’acteur au théâtre puis au cinéma, avant de devenir assistant-réalisateur et enfin cinéaste avec L'avant-centre est mort à l'aube, son premier film, réalisé en 1961, présenté au Festival de Cannes. Pionnier du cinéma argentin, il fut membre des Artistas Argentinos Asociados, société de production indépendante créée en 1941, fonctionnant comme une coopérative, à l’image des Associated Artists américains.

Son deuxième film, L’Homme au coin du mur rose estadapté dela nouvelle éponyme de Jorge Luis Borges, qui souhaitait rendre hommage à son ami Nicolás Paredes, homme politique au passé trouble. Borges se met ainsi dans la peau de ce dernier et déploie une accumulation de souvenirs, composant au finale le portrait de plusieurs hommes – ce qui peut dérouter le lecteur.

Pour l’adaptation de cette nouvelle à l’écran, les scénaristes ajoutent des personnages et modifient le procédé de narration, devenue indirecte : le récit est mené par Francisco Real, ancien codétenu de Nicolás Fuentes, auquel ce dernier avait raconté sa vie avant de mourir dans sa cellule. Petit à petit, on s’interroge sur la fidélité du récit et du narrateur à l’histoire originelle de Fuentes. Qui est véritablement l’auteur de cette vie ? Celui qui l’a vécue ou celui qui la raconte ?

« Le film est fait avec un soin extrême. René Mugica a reconstitué l’époque 1910 avec une sûreté de goût, une sensibilité qui ne trompent pas. Hombre de la esquina rosada a les limites d’une bonne production commerciale, mais elle révèle au grand public européen le nom d’un cinéaste dont on reparlera. » (Raymond Borde, Positif n°48, octobre 1962) Salué par Jorge Luis Borges, L’Homme au coin du mur rose remportera plusieurs prix internationaux.

René Mugica réalisera son dernier film, Bajo el signo de la patria, en 1971, une décennie seulement après son premier long métrage. Il sera plus tard nommé président des Directores Argentinos Cinematográficos et directeur de l’Instituto Nacional de Cinematografía.