L'Associé du diable

Invité d’honneur : Taylor Hackford

Jeune et brillant avocat dans une petite ville de Floride, Kevin Lomax (Keanu Reeves) n'a jamais perdu un procès, grâce à son rare et irrésistible mélange de talent, de cynisme et de séduction, qui retourne les jurys les plus rétifs. À l'issue d'un procès à sensation, John Milton (Al Pacino), directeur charismatique et mystérieux d’un puissant cabinet new-yorkais est prêt à lui faire un pont d'or pour l'intégrer à sa firme.

Quelles compromissions est-on capable d’accepter pour assouvir son ambition ? Kevin Lomax aurait tendance à les accepter toutes. Nouvelle recrue d’un cabinet réputé, il fréquente désormais un milieu riche, des réceptions luxueuses, des personnes de pouvoir. Il est flatté, grisé, au point de délaisser son épouse qui sombre lentement. Le cabinet de John Milton s’est fait une spécialité de défendre les criminels les plus sordides. Est-ce le prix à payer pour rester parmi les "dominants" ?

Taylor Hackford choisit Al Pacino pour interpréter le mystérieux Milton. C’est avec un évident plaisir que le comédien campe ce personnage séducteur et mystérieux, incarnant le Mal avec délice. Mais si ce rôle lui va comme un gant, c’est grâce à un long travail d’appropriation : « On connaît [le personnage du Diable] depuis toujours : il a un côté classique. Mais, malgré la célébrité du personnage, il n'y a pas autant d'images du Diable qu'on pourrait croire. La littérature parle plus du Mal que de Satan. L'esprit du Mal est toujours présent, mais il n'a pas de contours définis, de sorte qu'un acteur a toute latitude pour l'interpréter en lui donnant la forme qu'il veut. […] Il est plus facile d'interpréter une personne existante, on a moins à travailler l'apparence. Là, il faut mettre au point tous les détails de comportement, inventer le dessin du personnage. » (Al Pacino, Le Figaro, 13 janvier 1998)

Pour revisiter le mythe de Faust, L’Associé du diable, qui mêle comédie satirique et film fantastique, l’inscrit dans le décor contemporain de l’Amérique des affaires de la fin des années 90. Pour Taylor Hackford, « [le film est] une allégorie, un conte moral sur la justice américaine. Tout le monde sait qu'aux États-Unis la machine judiciaire est toute-puissante. […] Les tribunaux me font penser aux cirques de gladiateurs. Un procès s'apparente aujourd'hui à un sport de combat, à un grand spectacle associant mélodrame, vaudeville et joute de spécialistes. Dans ces procès, les vrais gagnants sont les avocats qui ne reculent devant rien. La justice et la morale y trouvent rarement leur compte. » (Taylor Hackford, Le Figaro, 14 janvier 1998)