Jane par Charlotte

Événements et célébrations / Hommage à Jane Birkin

Charlotte Gainsbourg a commencé à filmer sa mère, Jane Birkin, pour la regarder comme elle ne l'avait jamais fait. La pudeur de chacune n'avait pas permis un tel rapprochement. Mais par l'entremise de la caméra, la glace se brise pour faire émerger un échange intime, sur plusieurs années, qui met à nu peu à peu les deux artistes, au fil d'une conversation inédite qui laisse apparaître une mère face à une fille. Jane par Charlotte.

Ça commence au Japon, où Jane Birkin donne une série de concerts ; sa fille, Charlotte Gainsbourg, la suit avec une caméra, lui pose des questions. La mère se plie au jeu, puis l’interrompt. Quelques mois plus tard, ayant finalement vu ces rushes, le projet repart, et les deux femmes se retrouvent… « Au départ, je voulais faire quelque chose de plus large, un portrait de ma mère en incluant des témoignages de toute la famille. J’ai réalisé peu à peu, en cours de route, que ce n’était qu’un prétexte. Ce que je désirais vraiment, c’était un tête-à-tête. J’avais besoin de lui faire comprendre l’importance qu’elle a pour moi. J’ai tellement témoigné d’amour à mon père, il y a un tel espace de sacralisation autour de Serge Gainsbourg... Pendant ce temps, ma mère était là, elle était vivante, je l’aimais, c’était une évidence pour moi. » (Charlotte Gainsbourg, Télérama, 9 juillet 2021)

Une preuve d’amour donc, nourrie des absences qui ont blessé les cœurs : celle de Serge Gainsbourg, mais aussi celle de Kate Barry, fille et demi-sœur aînée, disparue avant l’heure. L’émotion fraie son chemin au cours d’un film volontairement chaotique, partiellement improvisé, dont le titre rappelle, bien sûr, cet autre portrait-puzzle, Jane B. par Agnès V. d’Agnès Varda (1988).

La quête culmine lors d’une visite au sanctuaire : la maison de la rue de Verneuil, laissée dans son jus depuis la mort du père et ex-compagnon… On cherche l’autre autant qu’on se trouve soi-même, dans ce face-à-face pudique et déchirant : « Gainsbourg se filme beaucoup en train de photographier sa mère, de plus en plus près, amassant les images de ses mains noueuses, redessinées par les rides et les taches, pas seulement pour garder des traces, mais également pour comprendre et chérir la vie maternelle dans ce qu’elle a de plus organique et concret. Un mystère périssable et perpétuel. » (Laura Tuillier, Libération, 8 juillet 2021)