Don't Come Knocking

Prix Lumière : Wim Wenders

Howard Spencer (Sam Shepard) a connu des jours meilleurs. Cette ex-star de nombreux westerns ne décroche plus que des rôles secondaires. Il mène une existence solitaire et noie son dégoût de lui-même dans l’alcool, la drogue et les femmes. Jusqu’à ce que sa mère (Eva Marie Saint) lui apprenne qu’il a peut-être un enfant quelque part…

 
© Wim Wenders Stiftung

Un acteur fuit le plateau du western dans lequel il tourne et part sur les traces de son passé : sa mère d’abord, un amour ancien ensuite (Jessica Lange), et un fils donc, qui n’a aucunement besoin de ce cowboy déchu qui arrive bien trop tard. C’est alors qu’une autre relation verra, peut-être, le jour avec son autre enfant inconnu, une fille prénommée Sky.

Vingt ans après Paris, Texas, Wim Wenders retrouve Sam Shepard, les grands espaces américains et cette thématique inépuisable qu’est la recherche du passé. Le charme opère. Wenders récupère toute la mythologie du western : le héros, la figure paternelle, les personnages déracinés, un chasseur de primes (Tim Roth), ici au service d’une société d’assurances. Au fur et à mesure des rencontres (puisque ce ne sont pas des retrouvailles), le point de vue change, passant du père, au fils, puis à la fille. Howard ne décide pas de sa quête, ce sont les autres qui mènent le récit.

« On s’est dit dès le début que, tournant dans l’Ouest, il ne fallait pas avoir peur des couleurs. Le ciel était bleu, la terre était rouge, et cette lumière si particulière fait un peu plus ressortir tous les tons. » (Wim Wenders in Passeport pour Hollywood, Michel Ciment, Carlotta, 2022) Visuellement, le format Scope magnifie les couleurs franches des paysages grandioses, mais aussi les rues vides de Butte, Montana, ou les cafés à la Edward Hopper.

« Autant que l’évident parallèle avec le scénario de Broken Flowers de Jim Jarmush, similitude témoignant presque trop évidemment des doutes d’une génération sur le mode pas forcément exaltant du “qu’avons-nous fait de notre jeunesse ? qui laissons-nous derrière nous ?”, on a reconnu les prémices de Paris, Texas, ce voyage à travers l’espace américain vers un lieu des origines. Mais Howard est comme le négatif de Travis, l’un émergeait du désert pour prendre consistance, jusqu’au face à face à travers le miroir qui achevait de refaire tenir ensemble une naissance et une histoire, l’autre s’enfonce dans l’atonie de la ville et se diffracte dans l’émiettement des figures convoquées par Don’t Come Knocking. Là se joue l’étrange et assez troublant dispositif du film, qui fait danser ensemble ces fausses jumelles et vraies sœurs ennemies, la nostalgie et la mélancolie. » (Jean-Michel Frodon, Cahiers du cinéma n°605, octobre 2005)