Il ne se passe jamais rien à Holly Springs, Mississippi. Chacun y connaît son voisin et respecte ses secrets avec cette courtoisie et cette langueur qui n’appartiennent qu’au Vieux Sud. Jewel Mae Orcutt, alias Cookie (Patricia Neal), en est une digne représentante. L’excentrique vieille dame vit dans son manoir, entourée des souvenirs de son défunt mari Buck. À ses côtés, Willis Richland (Charles S. Dutton), le meilleur ami de Buck, devenu son confident et son chevalier servant. En ville, Camille (Glenn Close), sa nièce, particulièrement snob, monte des pièces de théâtre où elle fait jouer sa sœur Cora (Julianne Moore), considérée comme simplette. Nostalgique, Cookie décide de rejoindre Buck en mettant fin à ses jours…
Portrait d’une petite ville sudiste et de sa communauté paisible, Cookie’s Fortune est considéré par beaucoup comme un nouveau retour aux sources (déjà évoqué à propos de Kansas City) pour Robert Altman. Il reconstitue un Sud hors du temps, où langueur et nonchalance bercent les journées. Ici, tous, amis comme ennemis, vivent ensemble, tous connaissent les secrets et les bassesses des autres, dans une harmonie qui s’accommode des conflits larvés. Si le maquillage du suicide (impensable pour Camille, paroissienne fidèle) en meurtre laisse prévoir une enquête policière, très vite le cinéaste déjoue l’attention du spectateur : celui-ci sachant déjà tout, il peut désormais observer avec lui ce microcosme.
Avec un œil de documentariste, Robert Altman dissèque les interactions, les secrets enfouis, les portes ouvertes et les ragots. Il se refuse à aborder frontalement les questions sociales ou raciales, auxquelles on s’attendrait normalement. Ici, on n’insiste pas sur le fait que Willis, accusé de meurtre, soit noir, seul importe le fait que les parties de pêche en sa compagnie sont malheureusement interrompues. Altman réunit un casting de haut vol : autour de la matriarche Patricia Neal (veuve du célèbre romancier britannique Roald Dahl, ami du cinéaste), un excellent trio féminin composé de Glenn Close, plus manipulatrice que jamais, Julianne Moore, doucement ailleurs, et Liv Tyler, jeune amoureuse explosive.
Pour une partie de la critique, habituée aux sarcasmes farouches du cinéaste, le film est inférieur aux précédents. Le ton est effectivement différent. L’acidité s’éloigne, laissant place à la farce ; les protagonistes laissent libre cours à leurs excentricités, comme jouant la comédie de leur propre vie. « Jamais, sans doute, un film d’Altman n’avait été aussi simplement aimable. […] Dans Cookie’s Fortune, tout a changé : ici les personnages sont rois, Altman les regarde avec tendresse et cède à tous leurs caprices, allant même jusqu’à s’effacer pour leur abandonner les commandes de son film, qui devient alors le leur. […] Le contrôle est passé de leur côté et Altman se met à leur service. » (Erwan Higuinen, Cahiers du cinéma n°534, avril 1999)
Cookie's Fortune
États-Unis, 1999, 1h59, couleurs, format 1.77
Réalisation Robert Altman
Scénario Anne Rapp
Photo Toyomichi Kurita
Musique David A. Stewart
Montage Abraham Lim
Décors Stephen Altman
Costumes Dona Granata
Production Robert Altman, Etchie Stroh, Sandcastle 5, Elysian Dreams
Interprètes Glenn Close (Camille Dixon), Julianne Moore (Cora Duvall), Liv Tyler (Emma Duvall), Chris O'Donnell (Jason Brown), Charles S. Dutton (Willis Richland), Patricia Neal (Jewel Mae "Cookie" Orcutt), Ned Beatty (Lester Boyle)
Présentation au Festival de Sundance 22 janvier 1999
Présentation à la Berlinale 20 février 1999
Sortie aux États-Unis avril 1999
Sortie en France 7 avril 1999
Distributeur Moonstone Entertainment
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