Charles Dé (François Simon) est industriel dans l’horlogerie genevoise. Lors d’une interview pour la télévision sur « l’esprit d’entreprise dans une même famille », il confie son malaise : cette usine dont il est l’héritier, l’organisation du travail, ses passions qu’il a mises de côté… C’est trop. Ce soir-là, Charles ne rentre pas chez lui.
« Même si nos sociétés pratiquent, depuis, la méthode du “marche arrière toute”, les graines qui ont été semées en 68 continuent de produire quelques plantes, et celles qui ont été, pense-t-on, enterrées, courent toujours sous la terre comme le sang dans les veines. » (Alain Tanner, Ciné-mélanges, Seuil, 2007)
Pendant les années 50, Alain Tanner, installé à Londres et employé au British Film Institute (qui produisit en 1955 son court métrage, Nice Time, coréalisé par Claude Goretta) fréquente les réalisateurs du Free Cinema – Karel Reisz et Lindsay Anderson, entre autres – qui contestent alors l’establishment. En mai 1968, devenu réalisateur à la télévision suisse romande, il couvre, à 38 ans, les "événements" parisiens. Il décide de prolonger son séjour durant le mois de juin et commence l’écriture de son premier long métrage, Charles mort ou vif, qui donne le coup d’envoi de ce qu’on appellera le « nouveau cinéma suisse ».
Avec des moyens extrêmement limités (il n’existe alors aucune maison de production en Suisse, excepté la Télévision et le Groupe 5, fondé par Tanner, Goretta, Michel Soutter, Jean-Louis Roy et Jean-Jacques Lagrange), en noir & blanc et en 16 mm, Alain Tanner signe un film classique – dans sa forme – sur la condition humaine. Le personnage de Charles Dé évolue sur un territoire connu depuis l’enfance, go-between entre son père qui lui a laissé son entreprise et son fils formé pour lui succéder. « Enfermé dans le confort et la sécurité », il prend soudainement conscience du vide de ses cinquante années d’existence. Il remet tout en question, renoue avec les racines libertaires de son grand-père ouvrier et sort du sentier balisé.
Festival d’intelligence, d’humour, de dérision, marqué d’un pessimisme certain, Charles mort ou vif, porté par le talentueux François Simon, est un film humain, sensible, jamais démagogue. « Comme Zéro de conduite chez Vigo, le poète anarchiste, l’insurgé des dortoirs et des salles de classe, Charles mort ou vif est plus qu’un titre : un sésame, une entrée décisive dans l’œuvre, la première hache de guerre d’un cinéma qui, s’il joue l’innocence de ses personnages comme mode premier de résistance, n’en oublie jamais la ténacité hargneuse de l’ennemi qu’il faut bien faire taire malgré tout. » (Frédéric Bas in Alain Tanner, Ciné-mélanges, Seuil, 2007)
C’est lors de ses études de cinéma que le cinéaste Alfonso Cuarón découvre les films d’Alain Tanner, dont la trilogie composée de Charles mort ou vif, Le Retour d’Afrique et La Salamandre. « J'ai beaucoup aimé ces films, d'autant plus la façon [qu’à Tanner] de traiter, avec un certain humour, la question de l'homme dans la société. Elle m'a fasciné. » (Alfonso Cuarón)
Charles mort ou vif
Suisse, 1969, 1h33, noir et blanc, format 1.66
Réalisation & scénario Alain Tanner
Photo Renato Berta
Musique Jacques Olivier
Montage Silva Bachmann
Production Alain Tanner, Le Groupe 5, SSR - Société Suisse de Radiodiffusion et Télévision
Interprètes François Simon (Charles Dé), Marcel Robert (Paul), Marie-Claire Dufour (Adeline), André Schmidt (Pierre Dé), Maya Simon (Marianne Dé), Michèle Martel (Germaine Dé), Jo Excoffier (le journaliste TV), Walter Schöchli (le détective), Jean-Pierre Moriaud (l'avocat), Janine Christoffe (la femme de chambre), Martine Simon (Cilette), Jean-Luc Bideau (un infirmier), Francis Reusser (un infirmier)
Présentation au Festival de Cannes mai 1969
Présentation au Festival de Locarno octobre 1969
Sortie en Suisse janvier et février 1970
Sortie en France 15 janvier 1970
Distributeur Les Films du Camélia
Restauration par Filmo et la Cinémathèque Suisse à l’initiative de l’association Alain Tanner.
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