Chambre 666

Prix Lumière : Wim Wenders / Documentaires / Label Lumière Classics 2023

Cannes, mai 1982. Dans la chambre 666 de l'Hôtel Martinez et devant une télévision allumée mais au son coupé – qui diffuse le tournoi de Roland-Garros –, Wim Wenders interroge une quinzaine de cinéastes : « Quel est l'avenir du cinéma ? »

 
© Wim Wenders Stiftung Par Films Du Losange

Alors qu’il est venu présenter Hammett en compétition, Wim Wenders décèle une certaine morosité dans le secteur du cinéma. Le sentiment d’un changement d’époque peut-être, des questionnements sur un art et une industrie bousculés par la télévision et la vidéo. Il convoque alors des cinéastes présents au Festival, afin de recueillir leurs propos. Le dispositif est unique : la chambre 666 du Martinez, seule chambre libre de toute la ville, une caméra fixe, un magnétophone. En arrière-plan, une télévision. Chaque cinéaste est seul dans la pièce et seul à pouvoir arrêter ou relancer l’enregistrement. Wim Wenders a laissé un mot : « Le cinéma est-il un langage en train de se perdre ? Un art qui va mourir ? » La liste des intervenants est impressionnante. Werner Herzog, Steven Spielberg, Michelangelo Antonioni, Rainer Werner Fassbinder ou Jean-Luc Godard (« J'ai un papier que me donne Wim Wenders, il a posé une caméra, il me laisse tout seul, il ne m'a pas bien placé pour regarder le tennis. ») Chacun, de là où il parle, évoque son expérience, ses inquiétudes, l’espoir ou la fatalité. L’acte de création, la technique, le spectateur, autant de sujets abordés.

De la mort de John Ford dans Alice dans les villes à la disparition des salles dans Au fil du temps, en passant par Nick’s Movie, film testament de et sur Nicholas Ray ou la pléiade de cinéastes interprètes de L’Ami américain, Wim Wenders a toujours parlé de cinéma et de la fin d’une certaine époque. Ici, le ton est différent. Il accueille la parole de ses pairs, comme un état des lieux avant d’entamer une nouvelle ère. « Chambre 666 signe pour Wenders la fin d’une longue période de deuil. Après l’errance dans un no man’s land fantomatique, vient maintenant l’heure de la renaissance. Harry Dean Stanton s’apprête à revenir d’entre les morts, Ry Cooder accorde sa guitare, la traversée du désert se termine. Paris, Texas peut commencer... » (Luc Lagier, Bref n°84, septembre/octobre 2018)