Buffalo Bill et les Indiens

Robert Altman - Le grand cirque

1885. William F. Cody (Paul Newman), dit Buffalo Bill, prépare son grand spectacle itinérant, The Wild West Show, accompagné du producteur Nate Salesbury (Joel Grey), du publiciste John M. Burke (Kevin McCarthy), de la tireuse d’élite Annie Oakley (Geraldine Chaplin) et des autres membres de la troupe. Cabotin, alcoolique, Cody a du mal à supporter la présence de Ned Buntline (Burt Lancaster), "créateur" de Buffalo Bill. Une exaspération décuplée lorsque le chef indien Sitting Bull (Frank Kaquitts) est extrait de sa réserve pour intégrer le spectacle…

De l’Histoire à la légende et de la légende à son exploitation commerciale : le parcours de William F. Cody, devenu le célèbre Buffalo Bill. Dès l’adolescence, il fut trappeur, éclaireur, en mission pour le Pony Express ou encore pour le service des chemins de fer pour qui il abattait des bisons. C’est l’écrivain et éditeur Ned Buntline qui, en publiant les aventures de l’aventurier, créa un mythe national.

Avec Buffalo Bill et les Indiens, Robert Altman ne tourne pas un western mais un film sur le monde du spectacle. Buffalo Bill se met en scène, commercialise sa légende, fait de sa vie une représentation, The Wild West Show. Vu des coulisses, il est vaniteux, égocentrique et alcoolique, superbement campé par Paul Newman, star toujours prête au contre-emploi. Le cinéaste interroge : que fait l’Amérique de son Histoire ? Du business. Ici tout est faux, jusqu’à la chevelure de l’idole. Les personnages sont moqués, seule la parole indienne a encore du poids et seul Sitting Bull conserve un peu de dignité.

Le film décroche l’Ours d’or à Berlin en 1976. Mais Altman, en conflit avec son producteur, Dino De Laurentiis, qui juge le film trop long et sans suffisamment d’action, considère que la version tronquée est « une escroquerie ». Malgré cette récompense, le film est mal reçu. Pourtant, soulignant la mise en scène, l’humour et l’intelligence du film, mais aussi « la direction d'acteurs (exceptionnelle) » et le regard posé « sur l'Amérique, ses valeurs, le mensonge des mythologies sur lesquelles elle se fonde », le critique Frédéric Vitoux concluait justement : « Il n'est guère de films plus corrosifs et plus lucidement sarcastiques que celui-ci. Son analyse excède de beaucoup le cadre étroit d'une simple critique de film. C'est davantage ce film qui anticipe, avec Buffalo Bill, une véritable critique du cinéma et du ”rêve américain". Oui, c'est son mérite de nous convier aussi à une réflexion historique. Une réflexion à venir… » (Positif n°187, novembre 1976)