Bruno Winter (Rüdiger Vogler) est réparateur de projecteur dans les cinémas de villages. Il sillonne la frontière avec la RDA dans son camion aménagé en camping-car. Un jour, devant lui, une voiture se jette dans l’Elbe. Son chauffeur, Robert Lander (Hanns Zischler) s’en extirpe, une valise à la main. Les deux hommes continuent la route ensemble.
© Wim Wenders Stiftung
Dernier opus de la trilogie de l’errance, Au fil du temps aura pourtant été exploité dans les salles françaises avant les deux précédents. Sa sélection au Festival de Cannes lança la carrière internationale de son auteur et permit de remettre en lumière ses premières réalisations.
Ce sont les photos de Walker Evans qui inspireront Wim Wenders et Robby Müller, son chef-opérateur, lors du tournage. Ils auront toujours dans l’œil ces images du sud des États-Unis plongé dans la Grande Dépression, des clichés d’une beauté tragique, réalisés pour The Farm Security Administration. « Cette région qu’on traversait à l’intérieur de l’Allemagne, ce no man’s land avec la frontière de l’Allemagne de l’Est, était aussi pour moi un terrain de dépression – tout le monde partait, c’était vide, une région sans espoir. » (Wim Wenders, Le Souffle de l’ange, in La Logique des images, L’Arche, 1990) En chemin, un food-truck, une usine désaffectée, un bâtiment en tôle ondulée, accrochent l’œil et détournent les deux hommes d’un scénario déjà très libre.
Dans ce road-movie le long de la frontière entre les deux Allemagne, Wim Wenders filme la rencontre entre deux routards solitaires, leur somptueux voyage pourtant hanté par la perte et l’absence. Deux hommes dont on ne connaît finalement que ce qu’ils font, dans une histoire au temps présent, sans explication.
Fasciné par l’Amérique, celle de la route, des plaines, des paysages, celle de Ford, Kerouac ou Dylan, le cinéaste convoque le western des grands espaces et des longues errances pour dire ces deux marginalités vagabondes fondamentalement européennes. Et à travers le destin des salles abandonnées, il interroge également le cinéma, son avenir, et la vie qu’elles fédéraient, également disparue.
Esthétiquement, Au fil du temps bouleverse. Pour le critique Alain Rémond, il était le film « que nous attendions, que nous espérions, sans même le savoir ». Un souffle nouveau. Le geste d’un des nouveaux grands noms du cinéma allemand. « Retour à l’essentiel, à un cinéma minimal : un noir et blanc d’une extrême pureté, des cadrages miraculeux de justesse, un regard essentiellement attentif aux lieux, aux paysages, aux choses. Retour à l’enfance, aux perceptions, aux sensations de l’enfance. Laisser le temps s’installer, celui de la contemplation, de l’arrêt, de la durée. Ce film nous décrassait les yeux, nous désencombrait le regard, nous réapprenait ce que disait l’un des personnages : “le cinéma c’est l’art de la vue”. » (Télérama, 14 mars 1984)
Au fil du temps (Im Lauf der Zeit)
République fédérale d’Allemagne, 1976, 2h55, noir et blanc, format 1.66
Réalisation & scénario Wim Wenders
Photo Robby Müller, Martin Schäfer
Musique Axel Linstädt, Improved Sound Limited; Roger Miller, Crispian St. Peters…
Montage Peter Przygodda
Décors Heidi Lüdi, Bernd Hirskorn
Production Wim Wenders, Wim Wenders Produktion
Interprètes Rüdiger Vogler (Bruno Winter), Hanns Zischler (Robert Lander), Lisa Kreuzer (la caissière), Rudolf Schündler (le père de Robert), Marquard Bohm (l’homme qui a perdu sa femme), Dieter Traier (le garagiste), Franziska Stömmer (la propriétaire de salle), Patric Kreuzer (le petit garçon)
Sortie en République fédérale d’Allemagne 4 mars 1976
Présentation au Festival de Cannes 26 mai 1976
Distributeur Les Films du Losange
Restauration 4K par la Fondation Wim Wenders avec le soutien du FFA-German Federal Film Board.
Ce site nécessite l'utilisation d'un navigateur internet plus récent. Merci de mettre à jour votre navigateur Internet Explorer vers une version plus récente ou de télécharger Mozilla Firefox. :
http://www.mozilla.org/fr/firefox