Posté le 16.10.2023
Un film surgi de nulle part, ou plutôt une fable triste et ironique. En 1968, impressionné par le cinéma–vérité à la Jean Rouch, l’américain David Schickele (1937–1999), musicien, acteur, cinéaste occasionnel, entreprend un docu–fiction autour d’un jeune Nigérian fuyant la guerre civile et venu enseigner la littérature africaine à l’université de San Francisco.
Il semble que le temps des cours soit passé, voici donc Gabriel qui déambule dans la ville, croise un motard sorti d’Easy rider, tente de gérer ses problèmes de visa, et forme un couple idéal avec sa somptueuse petite amie, qui danse sur Aretha Franklin et lui enseigne les subtilités de l’accent noir américain, qu’il maîtrise encore mal…
Bushman, 1971 © DR
Bushman montre avec une certaine cruauté que Gabriel est une sorte d’attraction pour ses amis gauchistes, enfin surtout pour leurs fiancées, qui voient en lui un étalon exotique – situation qui n’a pas l’air de l’embarrasser plus que ça. Et puis, l’histoire rattrape les personnages, qu’ils jouent ou non leur propre rôle : les grèves sur le campus de l’université, organisée par l’Union des étudiants noirs et le Front de libération du tiers-monde durcissent carrément l’atmosphère. On ne dévoilera pas le twist qui transforme le film, aux deux tiers du récit, mais il montre que les contestations provoquent parfois l’inverse de ce qu’elles réclament…
Achevé en 1971, Bushman est apprécié par le New York Times (« son humeur est détendue, tolérante, ironique, sophistiquée - avec un plaisir pour les complexités subtiles qui semble, dans son manque de stridence, post-révolutionnaire »), séduit le festival de Pesaro, alors consacré au jeune cinéma, puis disparaît des écrans jusqu’à une récente restauration. Ne pas manquer sa fausse décontraction, sa façon de dire des choses sérieuses voire tragiques, sans avoir l’air d’y toucher.
A.F.
SÉANCES
Bushman de David Schickele (1971, 1h15)
Lumière Terreaux - Lundi 16 octobre à 14h15
Cinéma Opéra - Vendredi 20 octobre à 21h45